Vous me direz : pleins ! En effet physiquement les deux genres « Manta » et « Mobula » sont différents et faciles à distinguer l’un de l’autre. Une première rencontre avec ces animaux permet tout de suite de se rendre compte que les raies Manta sont plus grandes, parfois même beaucoup plus grandes !
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La raie Manta de récif peut mesurer jusqu’à 5,5m, tandis que sa cousine la raie Manta géante peut faire jusqu’à 7m d’envergure, cette raie étant ainsi la plus grande raie au monde. Pour leur part, les raies Mobula font généralement 1m d’envergure, avec l’espèce méditerranéenne Mobula mobular qui peut atteindre 5,2m. Pour différencier ces deux genres, il existe un autre élément très important et facile à repérer : la position de la bouche. Si celle-ci se retrouve sous l’avant du corps, c’est une raie mobula. Si elle est située à l’avant du corps, on dit alors qu’elle est « terminale », il s’agit d’une raie manta. La bouche est alors entourée de deux cornes céphaliques, des nageoires souples qui s’enroulent et se déroulent pour aider à la captation du plancton. Dernière petite distinction entre les deux genres, la queue des raies Manta est plus courte que celle des raies Mobula. Cette particularité sert cependant rarement à l’identification du genre, car cet appendice peut être endommagé (par une hélice de bateau ou une attaque de prédateur par exemple) et donc être plus courte qu’à la naissance de l’animal. |
La raie Mobula mobular, présente en méditerranée, peut mesurer plus de 5 mètres d’envergure.
Crédits photo : Manta Trust |
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Deux genres, vous êtes sûrs ?
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La principalement différence entre ces deux individus est la position de la bouche, ventrale pour la mobula à gauche (Crédit photo : ORP) et terminale pour la manta à droite (Crédit photo : ORP et Guy Stevens) |
On le comprend donc, ces animaux sont physiquement, morphologiquement bien distincts. C’est bien pour cette raison que les scientifiques ont longtemps cru qu’il y avait deux genres différents. Cependant la différence de formes ou de tailles n’entraîne pas forcément le fait d’être d’une espèce ou d’un genre différent, l’espèce humaine étant un très bel exemple. Récemment une équipe, composée de scientifiques australiens et américains, a eu l’opportunité de travailler sur des échantillons de tissu musculaire de raies Manta et Mobula pour faire des analyses génétiques.
Cette fois-ci, on ne regarde plus l’animal de l’extérieur, mais de l’intérieur, à un niveau si petit que l’œil humain ne peut pas voir les différences ou les ressemblances.
Les chercheurs se sont intéressés à une partie du génome, le fragment d’ADN NADH2, particulièrement efficace pour distinguer les espèces au sein du groupe des élasmobranches et ils ont eu quelques surprises : tout d’abord, parmi le genre Mobula (vous vous souvenez ? celui qui est plus petit, avec la bouche sous le corps) on distinguait jusqu’à présent neuf espèces différentes.
Suite à l’analyse génétique, les chercheurs ont trouvé que trois de ces espèces étaient en fait similaires à trois autres, réduisant ainsi le nombre d’espèces de Mobula à six. Ensuite, et c’est la grosse surprise : le genre Manta est supprimé du vocabulaire scientifique ! En effet les raies Manta, qui avaient leur genre bien à elle, ont montré très peu (trop peu) de différences génétiques avec leurs cousines les Mobula et se retrouvent donc regroupées avec le reste des espèces de Mobula, portant ainsi le nombre total d’espèces du genre Mobula à 8 !
Quelle conséquence ?
Pour la communauté scientifique, cette information est importante pour avoir un arbre phylogénétique le plus juste possible. A des fins de conservation, il est important de bien connaître les espèces, leur nombre et les caractéristiques des individus qui les composent, afin d’être sûre d’apporter les protections les mieux adaptées possible à chaque espèce. Aujourd’hui en ce qui concerne les raies Manta, le nom scientifique de la raie Manta de Récif, ce n’est plus Manta alfredi, mais Mobula alfredi. Et pour la raie Manta Géante, ce n’est plus Manta birostris, mais Mobula birostris.
Une raie Mobula alfredi dans le lagon de Maupiti. Crédit Photo : Maupiti Diving
Ceci dit, le nom de Manta n’est pas près de disparaître. La célébrité de ces animaux a fait en sorte que ce nom reste à jamais associé à ces géants des mers fascinants bien connus des passionnés de plongée sous-marine.
Pour lire la publication scientifique (en anglais), elle est accessible ici : White et al (2017) Phylogeny of the manta and devilrays (Chondrichthyes: mobulidae), with an updated taxonomic arrangement for the family
Genre = ensemble d'animaux qui regroupent un certain nombre de caractères similaires
Elasmobranches = sous-classes des chondrichtyens (classe de poissons à squelette cartilagineux) qui comprend les raies et les requins.
Arbre phylogénétique = représentation schématique en forme de buisson qui montre la parenté entre les espèces, dont chaque intersection représente l'ancêtre commun des branches qui suivent.