L’association ORP (Observatoire des Requins de Polynésie) félicite le gouvernement de la Polynésie française d’avoir entériné il y a déjà 6 ans l’arrêté 396/CM concernant la protection des requins et l’interdiction de commercialisation des ailerons et de tous les dérivés de requins.
Cependant, le requin mako fait figure d’exception à ce texte, et si nous pouvions comprendre les raisons de ce choix à cette époque, aujourd’hui, il en est tout autre.
Rappel
Avant tout, il est bon de rappeler qu’il existe 2 espèces de requins mako dans le monde, Isurus oxyrinchus et Isurus paucus, et ces 2 espèces sont présentes en Polynésie française. L’Art. A 121-9. (Arrêté n°306/CM du 20 février 2008) et l’arrêté n°396/CM font exception seulement de la première espèce, cela sous-entend que Isurus paucus est interdite à la pêche comme toutes les autres espèces.
Etat des stocks de requins pélagiques
A l’instar des autres espèces de requins pélagiques (courbe 1) rencontrées dans la Z.E.E. polynésienne, les stocks des deux espèces de requins « mako » (Isurus oxyrinchus (mako à courtes nageoires) et Isurus paucus (Mako à longues nageoires)) que nous rencontrons sont en déclins (courbe 2). L’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) a respectivement classé ces espèces en « quasi menacé (NT) » et « vulnérable (VU) »
La courbe 1 montre qu’entre 1993 et 2011, l’effort de pêche des palangriers polynésiens est passé de 3,65 à 18,4 millions d’hameçons posés par an. Parallèlement à cela comme nous montre la droite bleue de tendance des captures de requins pélagiques, ces dernières sont passées de plus de 500 à moins de 200 tonnes en 18 ans. Depuis 2006 nous constatons que les captures de ces requins restent constamment autour des 168 tonnes/an. Est-ce les conséquences de l’arrêté 396/CM ou tout simplement parce que les stocks de requins pélagiques sont au plus bas et que les prises ne peuvent pas être plus nombreuses que le nombre de requins ? Quelques soient les interprétations que nous en faisons les stocks des requins pélagiques sont très critiques.
Courbe 1: Tonnage des captures de requins pélagiques comparé au nombre d’hameçons posés par an par les palangriers. (Sources : Direction des Ressources Marines)
Courbe 2: Nombre de requins mako pêchés par an. (Sources : Direction des Ressources Marines)
La tendance des captures de requins mako reflète celle des requins pélagiques de la courbe 1. En moins de 10 ans le nombre de captures a été divisé par 2. En 2011 ce sont 359 requins qui ont été pêchés pour 18,4 millions d’hameçons posés. Même si ce n’est pas le poisson ciblé par les palangriers, nous sommes obligés de reconnaître que les prises sont minimes. Les explications que nous pouvons apporter ne viennent pas forcément de la palangre polynésienne qui est une activité relativement récente mais plutôt des efforts de pêches effectués hors de la Z.E.E. par les bateaux étrangers, pêchant sans discernement toutes les espèces de poissons sans se préoccuper des migrations des animaux. Notons l’absence de chiffres pour l’année 2007.
Constat
Contrairement aux autres espèces, le requin mako Isurus oxyrinchus peut encore être gardé à bord pour la commercialisation de sa chair. Celle-ci se vend entre 150 et 200 cfp le kilo à la criée. Les prix étant peu intéressants, aujourd’hui les pêcheurs sont d’accord pour rejeter les requins mako à la mer après leur capture (sources : armateurs et capitaines). La plupart d’entre eux le font d’ores et déjà.
Biologie
Comme pour la plupart des espèces de requins, chez les « mako » la maturité sexuelle est tardive (entre 200 et 300cm environ), la gestation serait comprise entre 22 et 24 mois selon les sources et le nombre de juvéniles est faible, habituellement entre 14 et 16 pour oxyrinchus et 2 pour paucus.
Egalement la récente publication Shark segregation and threat from fisheries (G. R. Mucientes et al.) a démontré une ségrégation spatiale sexuelle pour Isurus oxyrinchus dans le Pacifique sud, en d’autres termes, lorsqu’un bateau de pêche est en activité dans une zone donnée, toutes les captures de cette espèce seront du même sexe.
La biologie naturelle de ces espèces et les efforts de pêche cumulés à la ségrégation spatiale sexuelle, augmentent les chances d’assister à l’extinction de ces espèces de requins dans les 2 prochaines décennies.
Conclusion
L’ORP s’inquiète fortement à la survie des espèces de requins « mako ». C’est donc son rôle de prévenir les instances compétentes pour que personne ne puisse reprocher à la Polynésie française d’être restée passive devant cette tragédie. Nous n’avons que des bonnes raisons pour inscrire le requin mako Isurus oxyrinchus sur la liste des espèces protégées relevant de la catégorie B :
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les pêcheurs ne s’y opposent pas,
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la Polynésie française deviendrait la plus grande étendue au monde où les requins seraient protégés, une bonne communication internationale pourrait attirer un tourisme « requins » comme ont su l’exploiter plusieurs pays dans le monde (Fidji, Maldives, Australie, Afrique du Sud, Bahamas.)
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la promotion à l’exportation du thon germon par le biais d’un écolabel certifiant une pêche épargnant les requins…
Nous espérons donc qu’avec cette présente, la conscience de chacun sera touchée pour permettre à nos enfants de profiter du patrimoine qu’a su nous donner la nature.